Ce matin, un peu comme tous les matins, j’étais en train de flâner sur le web à la recherche d’idées. Et, je suis tombé sur un article de Business of Fashion traitant du Made in France, en matière de textile. C’est là que j’ai découvert (il y a vraiment des fois où je me trouve inculte) que ce label n’existait pas. Qu’en fait, derrière ce concept se cachent d’innombrables idées reçues.
Ainsi, un vêtement peut être simplement confectionné en France alors que l’ensemble des tissus vient d’Asie ou du Maghreb. Sinon que le patron a été réalisé à Paris, envoyé au Bangladesh pour production et se retrouve avec une étiquette tricolore. Finalement, parmi toutes ces visions laquelle correspond réellement au Made in France?
Je vous rappelle que sur les produits Apple, on peut y lire « designed by Apple in California, Assembled in China » (créé par Apple en Californie, assemblé en Chine).
L’Ipad est-il, alors, américain ou chinois?
Aux yeux du consommateur, aussi bien américain que français, celui-ci semble américain. Cette vision est-elle déterminante au point de conclure que l’idée reste plus importante que sa mise en pratique (la production) ?
La réponse n’est pas aussi simple que cela et un acteur seul en jeu ne peut suffire à trouver la définition recherchée dans cette quête, il faut être curieux autant que méticuleux. En effet, pour les politiques ce qui compte va plutôt du côté de la fabrication. Je me souviens quand Arnaud Montebourg avait posé en couverture du Parisien avec une marinière Armor Lux pour sauver l’industrie hexagonale. Notre cher Ministre du redressement productif se pavanait en étendard tricolore afin de défendre les marques françaises contre la concurrence mondialisée et la crise grandissante. Pourquoi donc un produit français aurait plus de valeur à nos yeux qu’un produit made in Germany ou made in China?
Simplement parce-que cette bataille sur le made in ressemble plus à un symptôme qu’à une solution. On voit qu’ici, il y a un amalgame entre production industrielle et sentiment communautaire. Nous sortons de la simple indication de provenance pour brandir en toute impunité une arme de revendication puissante. Et, là, il existe un risque de dérapage. Lorsque le mot patriotisme commence à sortir, le nationalisme n’est pas loin et je n’aime pas cette odeur nauséabonde.
Le Made in ou plutôt le « parce que c’est d’chez nous »
Au lieu de s’épancher sur une illusion identitaire coloriée fièrement à grand coup « parce que c’est d’chez nous », ne serait-il pas plus intéressant de reconnaître les talents et les savoirs-faire au-delà des nationalités. En ce sens d’aller plus loin qu’une terre pour mettre en avant une « manière de « . Ainsi, pour Todorov, « Quel est le défaut inhérent au patriotisme ? C’est que, en préférant une partie de l’humanité au reste, le citoyen transgresse le principe fondamental de la morale, celui de l’universalité : sans le dire ouvertement, il admet que les hommes ne sont pas égaux. […] la vraie morale, la vraie justice, la vraie vertu présupposent l’universalité, et donc l’égalité des droits ». Donc, ce réflexe communautaire accentuerait encore plus la crise actuelle. Des valeurs, comme l’ouverture, se trouvent ainsi niées au profit de la valorisation d’un groupe social (les français). On s’étonne alors que Marine Le Pen se retrouve devant François Hollande au niveau des sondages de popularité.
Une fois ce constat posé, que faire: redéfinir le Made in France ?
Certains observateurs proposent de développer le Made in Europe. La problématique reste la même mais le groupe identitaire change d’échelle. Le problème n’est alors pas résolu mais plutôt déplacé.
« Le Made in France ressemble plus à un symptôme qu’à une solution ».
Au lieu de cela et nous revenons à l’idée suggérée au début de ces lignes, plutôt que de le théoriser sous l’égide d’une valeur puissante et écrasante, il conviendrait plutôt de redéfinir le Made in France et de l’expliquer. La requalification doit être minimale mais pour en revenir à l’essentiel. Il serait alors défini comme un produit imaginé par une société française. La production ou l’assemblage peut alors s’effectuer hors des murs hexagonaux. La France, bien que possédant ses convictions, ne peut avoir uniquement une vision restrictive. Ainsi le 100% français est presque une lubie puisque l’ouverture aux autres et, donc, au monde s’avère plus que nécessaire.
Une fois cette définition posée, vient alors le temps de l’explication (j’ai pas écrit justification car loin de moi l’idée de me poser en donneur de leçons). Il ne faut pas oublier qu’une idée ne vaut rien si elle ne se diffuse pas ou si elle est mal interprétée. Durant cette phase explicative, sans doute la plus difficile, il convient de montrer une inflexion sur le raisonnement. Les pouvoirs publics mais plus encore les acteurs du marché du textile (créateurs/producteurs/distributeurs) devront être les portes-drapeaux de cette nouvelle définition.
Et c’est là que le concept de Mode in Gre prend tout son sens : La Mode à Grenoble, ça existe !
Et vous pensez-vous que le Made in France soit une bonne idée?