Le 23 novembre dernier , la ville de Grenoble annonçait avec fierté qu’elle allait supprimer les publicités dans la rue. Et là, j’ai commencé à pleurer 🙁
En effet, j’adoooooore (ironie) admirer ces panneaux publicitaires qui décorent fièrement la capitale des alpes m’annonçant la sortie de telle voiture, parfum ou autre promotion du supermarché du coin. Aujourd’hui, heureusement, il me reste encore internet pour être spammé… Le dernier espace de « liberté » selon le papa de la pub Jacques Seguéla, grand publicitaire (spammeur de cerveaux) des années 80, dans Placegrenet.
Justement en parlant de liberté, je m’interroge sur le fait que la municipalité décide de censurer les publicitaires et annonceurs : La fin d’une ère, simple diktat idéologique ou la perspective d’une publicité plus respectueuse et intelligente ?
Les panneaux publicitaires : Un outil de communication des années 60
Ce débat sur la publicité et l’espace public a été lancé par Éric Piolle qui est un homme de promesse. En effet, durant sa campagne il s’était engagé à supprimer cette publicité s’il était élu : donc promesse tenue. Et, pour cela il mérite le respect.
« La municipalité fait le choix de libérer l’espace public grenoblois de la publicité en développant les espaces d’expression publique et ne lance pas de nouvel appel d’offre pour de l’affichage publicitaire. » Eric Piolle
Néanmoins, je m’interroge sur le fond idéologique. Un panneau publicitaire ne reste qu’un outil. Et, ce pauvre panneau n’a pas fait grand chose. Ou plutôt si, il a été dévoyé par les publicitaires qui l’utilisent pour essayer de vendre des produits de manière indifférenciée, sans personnalisation, sans idée, juste un message lancé à la face des habitants. Des habitants qui ont pu s’ébahir, apprécier, voire aimer ces publicités au siècle dernier. Maintenant, 75% de la population française estime que la publicité est envahissante : la roue a bien tourné !
Depuis longtemps, pour certains publicitaires sans idées ni originalité, il était facile de spammer le cerveau de 80% de la population grenobloise en sortant le chéquier. Le coût ? Il commence à 3000 euros la semaine pour une campagne light… en un mois, avec 10 annonceurs, JCDecaux rentrait autant de chiffre d’affaires que ce qu’il proposait par an à la mairie pour qu’elle bénéficie de ces magnifiques (ironie bis) spams visuels. Une belle poule aux oeufs d’or, non ?
La publicité une mission de service public ? Adblock dans la rue !
Il est tellement fascinant aussi de remarquer que Place Grenet ouvre l’accès à ces articles sur la publicité en faveur des pro-pubs en accès libre, alors que tous les autres articles sont en accès restreint sur abonnement… petits coquins !
Ainsi, après la lettre ouverte de Jacques Séguela, un article sur un sociologue nous apprend que c’est le consommateur qui décide d’acheter ou pas. En effet, personne ne reviendra sur ce fait, mais quid du matraquage qui imprime dans chacun de nos cerveaux des messages, des besoins, des objets ? Si les annonceurs sont prêts à sortir la sulfateuse à pub, c’est bien qu’il y a un lien direct entre achats et notoriété, l’acte de consommation non réfléchi étant influencé par les images et publicités. Alors, oui les consommateurs ne sont pas dupes, mais quand même des publicitaires « créatifs » se font pieger par la pub, on ne peut nier l’influence du matraquage de la pub spam.
L’espace public est donc bel et bien réapproprié par la nouvelle municipalité pour protéger sa population d’un désagrément clair et identifié. Le prix à payer pourra être élevé, on imagine mal JCDecaux se laisser faire et gentiment remballer ses panneaux, l’histoire n’est donc pas finie.
La fin de la communication à la papa Seguéla (et c’est tant mieux !)
Depuis le lancement de l’agence de communication Fashandy, nous affichons en première page ce « slogan » : Stop à la pub à la papa.
Une vision, une expression choc pour tacler les vieux de la vieille de la communication ? Nous croyons que le rôle, la mission, du publicitaire a évolué.
Désormais, sortir le chèque pour arroser ses concitoyens ne fonctionne plus, car nous (les citoyens) ne sommes plus béats, dupés ou conquis par ce matraquage facile, les débordements réguliers des publicitaires (sexisme, machisme, etc.) ont définitivement fait la peau de ce canal de diffusion.
Et là le publicitaire sans imagination se retrouve face à un gros gros dilemme : Plus d’affichages 4×3 pour spammer allégrement les cerveaux grenoblois, et des citoyens plus que circonspects face à la communication ! Comment va-t-il s’en sortir ?
Internet, le dernier refuge de la liberté ? Oui oui mon cher Jacques !
Dans ce sens la labellisation de Grenoble comme ville Digitale French Tech (Digigre pour les intimes) est un signe fort. Cette étiquette signifie que la Capitale des Alpes est reconnue comme un champion du numérique : L’écosystème grenoblois regorge de starups innovantes comme Bonitasoft ou Madeindesign, qui elles n’ont jamais utilisé les affichages 4×3.
Sur internet, les marques peuvent engager directement la conversation avec les personnes en proposant des services utiles : Par exemple Made in Design qui propose un blog de tendances du design, c’est une idée géniale non ? Pour nous, il s’agit de bon sens. Car dès lors un dialogue s’engage et une relation de confiance s’instaure et n’est pas simplement mercantile.
Sur internet le citoyen consommateur choisit lui-même les contenus qu’il souhaite recevoir. Il peut d’un simple clic fermer une page publicitaire… et ça, ça change la donne ! Le publicitaire est bien dépourvu désormais : il va devoir communiquer de manière intéressante, utile, censée, voire drôle… ça change bien évidement la donne.
Et ce n’est pas les bannières de publicité sur le web affichées à tire larigot et vendues à des tarifs exhorbitants qui lui permettront de s’en sortir : en 2014, sur 1000 impressions de bannières, moins de 3 sont cliquées. En l’an 2000, c’était dix fois plus. Les internautes ne sont plus dupes. Adblock, un plugin qui s’insère dans votre navigateur, permet même d’interdire totalement l’affichage des pubs : ouf !
Une publicité respectueuse, intelligente et efficace, c’est possible !
Et Oui ! Et là vous vous dites que j’ai craqué, bien au contraire, je crois à la convergence des intérêts collectifs et individuels. Le net est une chance incroyable pour transformer notre économie mercantile en une économie de partage. Et cela change fondamentalement le postulat qui nous est dicté par les publicitaires plan-plan depuis les années 60.
La communication est un pouvoir, et tout pouvoir nécessite d’être responsable : utilisée à bon escient, avec éthique, auprès d’une audience qui accepte votre message, la communication ne sera plus perçue comme un vulgaire spam à trasher dans la corbeille… !
Bonjour,
Je ne suis qu’à moitié d’accord avec vos propos.
Nous avons toujours le choix. Celui de tourner la tête, lorsqu’un panneau d’affichage nous semble trop intrusif.
Celui de zapper devant notre télévision. De tourner la page pour la presse. Et pour le média que je connais le mieux, changer de station pour la radio!
Internet n’a pas réinventé la publicité, ni la façon de s’y soustraire. Pire, et je pense notamment à la publicité sur smartphones, que l’on ne peut que difficilement éviter, au moment ou notre attention est retenue par un contenu informatif par exemple. La publicité est à ce moment hyper intrusive.
Je m’interroge sur la notion de média de masse, à laquelle Internet ne semble pas répondre en ce sens que l’influence, et notamment par la tenue d’un blog reste anecdotique par rapport à d’autres médias. D’autres notions pourraient être discutées telles que la notoriété, la confiance, le gage de qualité, plus difficile à véhiculer.
Enfin vous semblez favoriser la communication par le blog, j’en conviens le média semble plus « doux » et l’abonné choisi de le rester ou non. Attention à la régularité des envois, des phénomènes de lassitude peuvent s’installer. Cependant je ne pense pas que ce média soit adapté à tous les annonceurs.
A vous lire!
Laurianne C
Bonjour Laurianne,
Je vous remercie pour votre réponse argumentée que j’ai pris plaisir à lire 😉
Effectivement, je suis d’accord avec vous sur le fait que nous avons toujours le choix. Néanmoins, la publicité a usé et surtout abusé depuis des années de techniques de matracage. Et aujourd’hui, une publicité intelligente c’est possible… d’ailleurs faut-il encore appeler cela publicité ?
Vous qualifiez la tenue d’un blog comme anecdotique. Je vous signale qu’ainsi nous avons pu prendre la parole directement sur un sujet qui nous tenait à coeur sans passer par un média traditionnel.
Au plaisir de vous lire.
Fabrice
« ET VOUS, QUE PENSEZ-VOUS DE GRENOBLE SANS PUB ? »
Rien, ça ne changera rien. La publicité sera toujours présente dans les arrêts de bus, sur les journaux gratuits et payants, sur les tram, en affichage sauvage, sur certains bâtiment, vitrines …
J’admet néanmoins que les 4×3 ne me manquerons pas, ceux-ci étant vraiment polluant visuellement. Mais à Grenoble, la pollution, la vraie, est dans l’air !
Bonjour Chris,
Vous savez j’ai beaucoup d’espoir dans l’amélioration de l’être humain. C’est pour cela que je pense qu’il y a toujours de l’espoir.
S’agissant du problème de pollution, j’avoue mes limites de compétences (si si j’en ai…).
À très vite.
Cher Fabrice,
Vous n’avez pas bien lu Place Gre’net, petit coquin ! 😉
Car il y a bien un article « anti-pub » en accès libre :
http://www.placegrenet.fr/grenoble-les-antipub-affichent-satisfaction/
Sans compter cet article ni pour ni contre, bien au contraire 🙂 http://www.placegrenet.fr/publicite-grand-nettoyage-urbain-grenoble/
Un petit dernier pour la route avec l’interview d’un pro-pub… accessible sur abonnement : http://www.placegrenet.fr/gilles-lipovetsky-cest-mesure-liberticide/
Bonne lecture !
Cher Contact,
Je suis un fervent lecteur de placegrenet. D’ailleurs, j’ai adoré l’article que vous venez de pondre sur mon collègue Pierre Creff qui vient de lancer une startup qui permet de personnaliser les vinyls.
Et, comme vous aimez les liens vers votre site, je rajoute celui-ci 😉
Avant de vous laisser, j’espère rapidement lire de nouvelles interviews (exclusives) d’acteurs majeurs de la pub contemporaine comme Jacques Séguéla ou Gilles Lipovetsky.
Cordialement.
Fabrice
Good morning !
Tres bonne initiative de Grenoble, a saluer vraiment ! si le concept pouvait se generaliser ca serait vraiment une excellente nouvelle.
Cependant, il faut egalement analyser la situation du point de vu des annonceurs a long terme. D’accord pour dire que la publicite doit etre plus proche et plus soucieuse des besoins du consommateur, mais si la publicite ne s’affiche plus ca n’est pas pour nous liberer de notre instinct de consommation. Mais alors pas du tout. Un simple tour dans les termes et conditions de AdBlock nous montre a quel point la fin de l’affichage n’est en rien une liberation. Si vous avez lu les nouveaux T&Cs de Facebook vous savez egalement que notre activite virtuelle est aujourd’hui analysee du debut a la fin de notre navigation web, sur tous les supports, grace aux accord passes entre tous les publishers (et ils sont vraiment TOUS associes sur le projet). Je ne prone pas un retour a la pub a papa mais je redoute un aveuglement consenti. Il y a 15 ans un telephone portable qui sonne sur la plage aurait fait rougir de honte son utilisateur, aujourd’hui tout le monde tweet sur la temperature de l’eau. Vous aurez beau bloquer les pubs, votre cerveau est deja celui d’un consommateur potentiel, en relation permanente avec votre reseau d’amis toujours prets a vous donner l’adresse du resto dans lequel il s’amuse tellement a prendre des photos de sa pinte. Le dark social, c’est finalement beaucoup plus addictif et intrusif que la pub a papa. Ne soyons pas naif. si la pub a papa va disparaitre, c’est qu’il y a des moyens plus efficaces de faire consommer, tout en faisant croire que c’est le progres.
Ceci dit , encore plus hate de visiter Grenoble maintenant !
Hi Bertrand,
Effectivement Grenoble est une ville vraiment innovante 😉
Concernant l’addiction aux réseaux sociaux et au web, je pratique un petit exercice tous les dimanches. Je me débranche tout simplement. En d’autres termes, je ne regarde pas mes mails, facebook et coupe internet. Bref, j’essaye de me concentrer sur l’essentiel. En effet, il ne faut pas oublier que le digital reste juste un outil…
Si vous passez à Grenoble, n’hésitez pas à venir nous voir 😉
À très vite.
Fabrice
C’etait pas sur l’addiction que je commentais… bon des fois je suis pas clair et j’ai l’impression que tout le monde suit. Je re-essaye. Ce que j’essayais d’expliquer c’est que si l’affichage « a la papa » c’est fini, c’est parce que il y a des moyens beaucoup plus efficaces pour faire consommer les gens, et le problemes de ces myens c’est qu’ils ont extremement intrusifs et jouent sur ce qu’il y a de plus vil en nous pour que nous pensions que nous avons plus a gagner qu’a perdre en nous laissant tracker sur la toile (ordinateur et telephone). Dans les faits c’est beaucoup plus pernicieux et a des consequences extremement grave. Je m’explique (je veux pas qu’on m’accuse de complotisme). A partir de 2014, tout le monde est suivi 24h sur 24 a partir du moment ou il a un telephone portable, le behavioural advertising network accumule toutes les donnees utilisateurs d’a peu pret tous les sites et applications disponibles. Si ce n’est pas par les applications, c’est par les pubs qui sont diffiusees sur ces memes applications puisque toutes les plus grosses boites d’ad serving font parti de ce reseau, en plus de tous les plus gros publishers. Croire que l’unification de l’experience utilisateur entre portable et ordinateur est rendue gratuite par apple pour le bien de l’experience utilisateur serait un doux reve… Les donnees collectees, et j’en sais quelque chose ayant travaille 5 ans dans le web analytics peuvent etre exploitees pour bien autre chose que la recherche du rendement s’une seule compagnie. Une institution financiere siegeant au conseil administratif d’un publisher (i.e. google, amazon, ou n’importe quel societe du behavioural advertising network .) et dieu sait si il y en a, peut utiliser ces donnees dans le cadre d’investissement, ce qui devrait constituer clairement un delit d’intie. Hors, il n’en est rien. Pas un mot la-dessus. Et pourtant il suffit de lire les termes et conditions de Facebook distribue a 1 milliard d’exemplaire pour comprendre ce qui est en train de se passer. De meme pour les T&Cs de Ad Block, les donnees de votre navigation deviennent d’un seul coup exploitable. On pense etre malin en bloquant des pubs alors qu’en fait on est en train de raconter votre vie a une base de donnee. Donc faire de la pub de facon intelligente ok, mais il faudrait aussi informer les gens sur ce qui est en train de se passer et qui en profite vraiment.
Voila, j’espere que c’etait un peu plus clair (pas franchement sur de moi sur ce coup la…). Bonne continuation et a bientot sur Grenoble
Bonjour Bertrand,
Effectivement c’est plus clair 😉
Et, tu as raison sur le fait que la collecte de données et son utilisation peuvent s’avérer pernicieuses. Néanmoins, n’étant pas un spécialiste comme toi dans le domaine mais plutôt dans celui du branding je citerai, James Grimaldi du Wall Street Journal qui souligne que « le data n’est pas suffisant s’il n’est pas accompagné d’un aspect humain, d’anecdotes, pour que le message puisse être transmis ».
Bref, l’aspect humain reste prépondérant.
À très vite.
Fabrice
Bonsoir
Outre le fait que les articles antipub sur Place Gre’net sont bien en accès libre j’aimerai vous signaler que l’article concernant J. Seguela est un interview exclusif et non pas une lettre ouverte comme vous le mentionnez.
Merci de rectifier
Cordialement,
Bonjour Joël,
Je vous remercie pour ces précisions. En effet, j’ai un peu de mal à m’y retrouver entre les différentes formules :
– d’essai
– liberté
– fidélité
Moi, j’avais juste envie de lire tous les articles. Donc, si j’ai bien compris je dois prendre la formule fidélité.
Cordialement
Fabrice
Oui Fabrice, le marketing s’adapte aux nouvelles exigences des consommateurs les plus avancés. Jusqu’à se faire discret et se déguiser en relation individuelle et attentive. Mais finalement ce sont surtout les moyens qui changent et je doute que les clients qui vous rémunèrent soient vierges de toute préoccupation mercantile. Au final, la réclame de papa avait au moins le mérite de sa franchise et les nouvelles tendances de la com avec ces discours sur la relation et le partage ont parfois une vraie gueule de faux cul !